Le recensement agricole 2020 : Premiers enseignements en Normandie
Depuis le « Domesday book », ordonnée par Guillaume le Conquérant pour recenser ses productions agricoles dans son nouveau royaume d’Angleterre, les recensements ont beaucoup évolué. A l’ère des bigdata, du cloud et des photos satellites, à quoi sert un recensement agricole ?
Au Recensement agricole 2020, la Normandie compte 39 400 équivalents temps-plein travaillant en agriculture, dont 24 % de salariés.
2010 | 2020 | |
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Exploitation professionnelle | 90 hectares | 1,91 EP | 106 hectares | 1,97 ETP |
Micro-exploitation | 7 hectares | 0,39 ETP | 10 hectares | 0,51 ETP1 ETP |
Dans les exploitations professionnelles le travail repose pour les deux tiers sur les chefs d’exploitation et les associés de sociétés.
La main d’œuvre familiale (conjoints d’exploitants individuels ou aides familiaux) a beaucoup régressé depuis 30 ans, et se stabilise à 9% % du travail total.
Le travail salarié permanent progresse de 3 points en 10 ans, à 23 % mais les salariés saisonniers voient leur part se réduire de 2 points.
Les actifs agricoles en 2020 travaillent pour 39 % dans des systèmes laitiers (lait spécialisé + bovins mixte + polyculteur lait). C’est un recul de 6 points par rapport à 2010 (45 %).
À l’inverse, les systèmes spécialisés en grandes cultures connaissent une forte augmentation de leur part dans le travail total et passent de 14 à 19 % des ETP. Cette évolution découle de la réorientation de nombreuses exploitations vers les cultures.
À l’inverse, les systèmes spécialisés en grandes cultures connaissent une forte augmentation de leur part dans le travail total et passent de 14 à 19 % des ETP. Cette évolution découle de la réorientation de nombreuses exploitations vers les cultures.
La pyramide des âges des exploitants agricoles normands montre un vieillissement marqué en 2020 par rapport à 2010. Sur les 25 018 chefs d’exploitation et associés de sociétés des exploitations professionnelles :
On assiste donc à un vieillissement marqué dans la tranche 60-65 ans. Le recul de l’âge de la retraite a pu jouer un rôle.
Les exploitants des micro-exploitations sont très majoritairement âgés (28 % entre 60 et 69 ans) voire très âgés (32 % ont 70 ans et plus).
En 2020, les exploitations professionnelles ont un statut individuel pour 42% d’entre-elles. Plus de la moitié des exploitations professionnelles, 58 % exactement, se trouvent sous statut sociétaire. Y travaillent 70 % des chefs d’exploitation et associés de société.
Les GAEC, en régression en pourcentage avant 2010, voient leur effectif progresser de plus de 500 unités entre 2010 et 2020, pour une grande part du fait des enjeux liés à la transparence des aides PAC à partir de 2015. Beaucoup des créations de GAEC correspondent en fait à des changements de statut d’anciennes EARL : ce type de statut perd des effectifs alors qu’ils progressaient avant 2010.
Par ailleurs la part des autres statuts juridique est en nette progression de 8 à 13 %.
17 % des exploitations professionnelles de type sociétaire sont des EARL unipersonnelle, dans lequel le collectif de travail se limite souvent au chef d’exploitation. Si on raisonne taille du collectif de travail, c’est donc 42 + 17 = 59 % des exploitations qui demeurent conduites par un seul chef. Dans cette catégorie, 8 % des chefs ont plus de 60 ans, leur recherche de successeur est urgente. 25% d’entre eux ont entre 50 et 60 ans : leur recherche de successeur doit aussi commencer à être réfléchit.
Dans les sociétés, hors EARL unipersonnelles, les problèmes de succession se posent avec moins d’acuité : dans moins d’une société sur 10, des associés ont dépassé 60 ans et seulement dans 5% d’entre elles tous les associés ont + de 60 ans.
Les exploitations affichant le plus de perspectives de reprise (familiale ou par un tiers) sont les polyculteurs-éleveurs laitiers (66 % des cas), laitiers spécialisés (59 %), spécialisés en grandes cultures (56 %).
À l’inverse les producteurs d’ovins et autres herbivores (32 %) ou de bovins-viandes (30 %) ont moins de perspectives.
Le niveau de formation augmente entre 2010 et 2020 avec le renouvellement des générations. Il est fortement différencié selon l’âge, mais également selon les territoires et les productions. Le fait d’exercer en société est également corrélé à un niveau de formation plus élevé.
En 2020, sur les 25 018 chefs et associés de société des exploitations professionnelles :
Les évolutions depuis 2010 montrent une nette amélioration des niveaux de formation, découlant essentiellement du renouvellement générationnel
La comparaison des niveaux de formation est facilitée par le calcul d’un niveau moyen agrégé pour un groupe donné. La comparaison entre systèmes de production (OTEX) montre un niveau plus élevé chez les producteurs de porcs et volailles, mais aussi ovins et autres herbivores, les producteurs de fruits, les cultivateurs de grandes cultures et les maraîchers.
À l’inverse les orientations bovins viande et mixtes lait-viande se trouvent nettement en-dessous de la moyenne régionale. Ces écarts se retrouvaient déjà pour la plupart en 2010.
La comparaison des niveaux de formation entre hommes et femmes chefs d’exploitation et associés de société, montre que les niveaux de formation sont équivalents dans les générations de 50 ans et +. En revanche les jeunes femmes (- de 50 ans) ont un niveau de formation supérieur à celui des hommes.
La comparaison des niveaux de formation selon le collectif de travail auquel ils appartiennent montre aussi que les exploitants travaillant en société, à âge comparable, sont mieux formés que les exploitants individuels.
L’emploi de salariés permanents dans ces exploitations professionnelles a été stable entre 2010 et 2020, ce qui l’a fait passer de 19,8 à 22,6 % de la main d’œuvre globale (+3 points).
L’emploi de salariés saisonniers a reculé de 37 % soit 678 ETP de moins, il passe de 4,7% à 3,4% de la main d’œuvre globale des exploitations professionnelles (-1,4 point).
Au total la part du salariat a donc augmenté de 24,5 à 25,9 % de la main d’œuvre totale des exploitations professionnelles.
L’évolution marquante est la forte hausse du salariat permanent dans la Manche, liée à l’accroissement rapide de la production laitière qui a nécessité des bras supplémentaires : le salariat permanent passe de 15 à 21 % de la main d’œuvre totale en exploitations professionnelles (+ 6 points) soit le double de l’évolution régionale.
À l’opposé, l’Eure est le seul département où le poids relatif du salariat recule de 2010 à 2020, de 21,5 % à 20,0 % soit -1,5 point. Ces évolutions traduisent les mutations des systèmes de production : la Manche est le département (normand et même français) ayant le plus accru sa production laitière dans la période, avec la sortie des quotas laitiers ; à l’inverse l’Eure a connu une réduction de l’activité d’élevage rapide.
Les plus gros contingents de main d’œuvre salariée en 2020 sont localisés dans
Les dynamiques 2010-2020 sont différentes selon les orientations de production : en lait elle est nettement haussière, et de façon assez homogène dans tous les départements. Le salariat passe de 14 à 19 % du travail total dans cette orientation de production (ensemble des producteurs de lait, spécialisés ou non).
En 2020, les exploitations individuelles et EARL unipersonnelles pèsent pour 60 % du nombre d’exploitations professionnelles, mais pour 41 % seulement de la main d’œuvre totale, avec 32 % du salariat permanent et 43 % du salariat saisonnier.
En moyenne apparente, une exploitation individuelle comporte 0,24 ETP salariée permanent, contre 0,75 pour une société.
Entre 2010 et en 2020 le développement du salariat s’est produit uniquement dans les sociétés, dont il alimente l’essentiel de la croissance en main d’œuvre.
Au Recensement 2020, les exploitations en « bio » sont au nombre de 2 046, dont 384 micro-exploitations et 1662 exploitations professionnelles (soit 9,4 % du total de celles-ci).
La part d’exploitations certifiées agriculture biologique est plus importante que la moyenne en maraîchage, en arboriculture fruitière, polyculture-élevage sans lait.
Elle est significativement plus faible que la moyenne en exploitation spécialisées Grandes Cultures (4%) en polyculture-élevage avec lait, et en bovins lait-viande.
Les exploitations en bio ont en moyenne une surface moindre et une main d’œuvre supérieure aux autres exploitations professionnelles : 88 hectares et 2,23 ETP, contre 106 hectares et 1,97 ETP, ce qui suggère que la bio crée davantage d’emplois sur un périmètre donné : 2,52 ETP par km² contre 1,87 pour la moyenne générale.
Si on opère la comparaison production par production, ces tendances se confirment dans les systèmes laitiers et chez les polyculteurs-éleveurs non laitiers, particulièrement nombreux. En systèmes Grandes cultures, la surface des exploitations bio est supérieure, mais la main d’œuvre également et le ratio est proche de la moyenne générale. Seuls les systèmes Bovins viande et « Ovins et autres herbivores » affichent un niveau de main d’œuvre par km² moindre en bio par rapport à la moyenne générale.
La part d’exploitations unipersonnelles (= individuelles + EARL unipersonnelles) diffère peu en bio par rapport à la moyenne générale (60 % du nombre d’exploitations).
Les exploitants en bio apparaissent globalement plus jeunes que la moyenne, notamment pour les exploitations individuelles, mais aussi à un moindre degré pour les sociétés. D’autre part, le niveau de formation des agriculteurs bio apparaît nettement supérieur à la moyenne, au sein de chaque catégorie d’âge.
Le recensement agricole a dénombré les exploitations commercialisant en circuits courts, c’est à dire les circuits de vente faisant intervenir au plus un intermédiaire entre l’exploitation et le consommateur.
Les exploitations en circuits courts sont plus intensives en travail que la moyenne, les exploitants sont plus jeunes.
Les exploitations pratiquant les circuits courts sont au nombre de 4 027 en 2020, dont 1 225 micro-exploitations et 2 802 exploitations professionnelles (soit 16 % du total de celles-ci). En 2010 leur effectif était de 3 259 dont 2 195 professionnelles.
La vente en circuits courts est plus fréquente que la moyenne (16%) en maraîchage (85%), en fruits (60%) et en polyculture-élevage sans lait. Elle est significativement plus rare en Grandes Cultures (9%), en bovins-lait (9%) et en bovins lait-viande (10%).
Si on compare production par production :
Pour les exploitations individuelles ayant recours aux circuits courts, la distribution par âges est similaire au cas de la bio, donc plus jeune que la moyenne. Au sein de chaque catégorie d’âge, les agriculteurs vendant en circuits courts sont un peu mieux formés que la moyenne mais moins bien que les seuls agriculteurs bio.
La Normandie apparaît de plus de plus géographiquement contrastée, entre une vocation laitière qui s’affirme dans la Manche et un glissement vers la grande culture presque partout ailleurs.
La comparaison avec les autres départements et régions de l’Hexagone montre que la Normandie est de loin la première région par l’intensité des mutations
Télécharger la note : les territoires normands se transforment
2010-2020 : la grande culture gagne du terrain en Normandie
La Normandie est particulièrement concernée par les mutations des exploitations d’élevage vers les cultures. Une première analyse est conduite sur les effectifs des systèmes de production des exploitations professionnelles. Les effectifs des exploitations de « grandes cultures » sont en hausse de 17%. La décroissance des systèmes « bovins » est particulièrement forte en Normandie : - 28 % (1ère place parmi les régions françaises).
Le site Agreste du Ministère de l’Agriculture publie des tableaux de chiffres bruts, et des cartes à la demande.
La DRAAF de Normandie publie également tableaux et cartes pour la région, les départements normands et les EPCI.