Ecophyto
Dernière mise à jour le 25 octobre 2024
Préservation de la qualité de l’eau, protection de la santé des personnes vulnérables, perte d’efficacité de la lutte chimique, multiplication des dispositifs d’aides à la transition agroécologique … Les agriculteurs réfléchissent constamment sur leurs stratégies de gestion des bioagresseurs afin d’utiliser le moins possible de produits phytosanitaires. Zoom sur Olivier TOMBETTE, agriculteur à Longuerue en Seine-Maritime et membre du groupe DEPHY des Sources Cailly-Aubette-Robec, qui a choisi un certain nombre de méthodes alternatives aux produits phytosanitaires.
Olivier TOMBETTE s’installe en 1991 pour rejoindre l’exploitation de ses parents créée en 1961. Aujourd’hui, Olivier gère deux ateliers :
Il possède aujourd’hui 18 ha de prairies permanentes et 155 ha de grandes cultures dont 50 % est consacré au blé tendre d’hiver. Il cultive également du colza et des cultures de printemps comme le lin fibre, la betterave sucrière et le maïs fourrage. Les sols majoritaires sur son exploitation sont des limons profonds.
Depuis 2011, Olivier TOMBETTE est accompagné par Charlotte JOULIA, conseillère en grandes cultures aux Chambres d’agriculture de Normandie. Ils échangent sur les aspects techniques, réglementaires et agronomiques de la conduite de ses cultures. En 2016, Olivier se lance avec dix autres agriculteurs dans un groupe DEPHY pour aller plus loin dans la réflexion de réduction des produits phytosanitaires.Située sur l’aire d’alimentation de captage Cailly Aubette Robec, les membres de ce groupe se sentent particulièrement concernés par la préservation de la ressource en eau.Sur ce captage classé « prioritaire », plusieurs molécules d’herbicides (ou issues de leurs dégradation) sont régulièrement détectées dans les analyses d’eau : le glyphosate, le métazachlore, le diflufénicanil, le prosulfocarbe ou encore le chlortoluron. Réduire l’utilisation des herbicides pour préserver et améliorer la qualité de l’eau est le défi que s’est lancé ce collectif d’agriculteurs. L’objectif qu’ils ont défini initialement est de réduire de 30 % leur Indice de Fréquence de Traitement (IFT) tout en conservant leurs marges brutes. Les agriculteurs du groupe cherchent également à réduire leurs usages d’insecticides, de fongicides et autres produits phytosanitaires tels-que les régulateurs. De son côté, Olivier TOMBETTE mobilise différents leviers agronomiques pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires sur son exploitation.
Comme beaucoup d’éleveurs, Olivier doit consacrer la majorité de son temps à son troupeau. Il fait donc en sorte de passer le moins de temps possible dans les champs. C’est pour cette raison qu’il a décidé en 2015 d’arrêter le labour systématique sur l’ensemble de ses cultures, et d’utiliser ce levier, en cas de besoin, pour la gestion des adventices. Dès 1995, Olivier avait déjà arrêté le labour sur ses parcelles les plus éloignées de la ferme.
Aujourd’hui, Olivier a adopté différentes modalités issues des Techniques Culturales Simplifiées (TCS). La réduction du travail du sol lui a ainsi permis de réduire sa consommation de carburant. Il réalise toutefois un labour occasionnel, tous les 5 ans environ, car ce levier permet de gérer efficacement les populations de graminées tels que le ray-grass et le vulpin. Ces deux adventices représentent une des problématiques majeures en Normandie depuis l’apparition de la résistance aux herbicides appartenant à la famille des sulfonylurées. Grâce à leur Taux Annuel de Décroissance (TAD) élevé, 60 à 75 % pour le ray-grass et autour de 75 % pour le vulpin, un labour tous les 3-4 ans, combiné avec des faux-semis, permet de réduire de façon importante le stock semencier de ces deux adventices.
« J’ai réduit le travail du sol avant tout pour gagner du temps mais pas au détriment de la maîtrise des populations de graminées. Même si j’ai opté pour du TCS, je ne m’interdis pas un labour de temps en temps en fonction des conditions ou de la pression en adventices » explique Olivier.
Olivier a aussi travaillé sur sa rotation pour réduire la pression des adventices, notamment celle des graminées. Il a décidé de l’allonger et d’intégrer d’autres cultures de printemps. Depuis le début de son activité, Olivier cultive du lin et du maïs. En 2018, sous l’impulsion du groupe DEPHY, il décide de se lancer dans la betterave sucrière pour avoir une culture de printemps supplémentaire dans son assolement.
Lorsque j’ai arrêté les pois à cause des rendements aléatoires et de la faible marge, je voulais tout de même garder des cultures de printemps. Je me suis alors tourné vers la betterave sucrière, une culture facile à biner ! Se remémore-t-il.
Le désherbage mécanique, bien qu’il ne soit pas toujours facile à mettre en place dans le contexte pédoclimatique normand, est un levier incontournable pour, à la fois réduire l’utilisation des herbicides, mais aussi préserver la qualité de l’eau.
J’ai en partie choisi les cultures comme la betterave et le maïs pour avoir cette possibilité de désherber mécaniquement. A ce jour, je ne bine que les parcelles de betteraves mais j’aimerais bien me lancer dans le maïs cette année. Témoigne Olivier.
Il est important de souligner que l’efficacité de cette pratique dépend beaucoup de la météo et de la disponibilité de l’outil. En Normandie, les fenêtres d’intervention au printemps sont parfois réduites. En effet, pour qu’un passage mécanique soit efficace, il faut combiner 3-4 jours sans pluie avant et après l’intervention pour passer dans de bonnes conditions et pour ne pas favoriser le repiquage des adventices déterrées.
Olivier n’utilise plus de régulateurs depuis plusieurs années grâce à une adaptation de ses densités de semis, une optimisation des apports d’azote et un choix crucial d’une variété résistante à la verse. Depuis qu’il met en place cette pratique, Olivier n’a jamais vu son blé verser. En effet, le risque de verse demeure très faible si la variété de blé choisie est tolérante à la verse et si la densité de semis et la disponibilité en azote ne sont pas trop fortes.
Pour obtenir un colza robuste, Olivier sème son colza tôt, la deuxième quinzaine d’août. Ainsi, son colza aura atteint le stade 4 feuilles avant le 20 septembre et sera peu sensible aux attaques d’altises car bien développé et robuste.
Concernant les blés, il retarde le plus possible la date de semis pour réduire la pression des pucerons et des cicadelles. La plupart du temps, il n’a pas besoin de passer d’insecticide pour lutter contre ces ravageurs. Ce décalage de la date de semis permet également de réduire le nombre de cycles des maladies et le nombre de graminées qui lèveront.
En lin, la pression altises varie fortement en fonction des années. Cependant, une attention particulière est à apporter lors de la préparation du sol et des conditions de semis.
« Si le lin est semé dans de bonnes conditions, j’arrive à faire l’impasse en insecticide la plupart du temps » précise Olivier.
En 2019, Olivier se lance dans des essais sur le biocontrôle avec d’autres membres du groupe DEPHY. L’objectif est de réduire le nombre de fongicides sur blé. Les principales maladies visées sont la septoriose, les rouilles jaune et brune et la fusariose. Ils testent le soufre, le laminaire et les extraits fermentés d’ortie et de consoude. Les deux premiers passages sont réalisés avec les produits de biocontrôle et le troisième avec un produit fongique à base de tébuconazole et de prothioconazole. Aucune différence significative n’est montrée entre les différentes modalités testées.
En 2024, Olivier fait de nouveaux essais, accompagné par un nouvel animateur DEPHY, Louis HANQUIEZ. Cette fois-ci, ils décident de faire une modalité zéro phyto et de combiner produit de biocontrôle à base de soufre et biostimulants à base de purin. Contrairement à l’année 2019, la pression maladie était très forte lors de la campagne 2023-2024, dû aux fortes précipitations printannières. Les résultats sont néanmoins encourageants : les rendements obtenus correspondent aux moyennes observées dans d’autres parcelles ayant eu un programme fongicide classique. Ces essais vont être prolongés en 2025 pour identifier les facteurs de réussite et limitants de ces techniques.
La résistance des variétés aux maladies est l’un des critères auquel Olivier accorde le plus d’importance lors de son choix variétal. Il sème la majorité de ses blés en mélanges variétaux. En colza, il choisit des variétés tolérantes au virus TuYV (Turnip Yellow Virus), virus responsable de perte de rendement importante. Indépendamment des essais zéro fongicides menés avec le groupe DEPHY, Olivier se passe depuis plusieurs années des programmes fongicides complets en 3 passages. Grâce à un choix variétal tourné vers la tolérance aux maladies et l’utilisation de l’OAD Opti’Protect de la Chambre d’Agriculture, Olivier fait systématiquement l’impasse du T1 et module son passage T3 en fonction de l’évolution de la culture et des préconisations de ses conseillers cultures et DEPHY, et des alertes de son OAD.
En combinant plusieurs leviers, Olivier a réussi à réduire son utilisation de produits phytosanitaires. Son IFT Hors Herbicides est passé de 2,36 en 2016 à 1,81 en 2022, soit une baisse de 23 % depuis son entrée dans le réseau DEPHY. Cette diminution s’accompagne d’une réduction des charges opérationnelles (-109 €/ha) et de mécanisation (-127 €/ha), faisant progresser sa marge brute de 25%, notamment grâce à la réduction du labour.
L’amélioration des performances économiques du système de culture d’Olivier s’accompagne d’une amélioration des performances environnementales puisque les quantités de matières actives toxiques pour l’environnement ont baissé de 20 %.
Globalement, Olivier est satisfait de son système car il maîtrise bien les maladies et les insectes quelles que soient les cultures. Grâce à l’observation de ses cultures et au décalage de la date de semis, il n’utilise presque plus d’insecticides en végétation. Il se passe de régulateurs sur blé en minimisant le risque de verse et il a fortement réduit les fongicides grâce à la génétique, l’utilisation de biocontrôle et les OAD.
Olivier souligne que la gestion des adventices est de loin le sujet le plus problématique, notamment pour le blé. Pour réduire l’utilisation des herbicides, des marges de progrès existent encore telles-que l’augmentation du désherbage mécanique et sa mise en place sur d’autres cultures. Olivier a également envie de tester la succession de deux cultures de printemps, levier encore peu mobilisé et pourtant très efficace, s’il est combiné avec d’autres leviers.
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