Depuis 6 ans plusieurs chambres d’agriculture de Normandie mettent en place des plateformes de démonstration de cultures fourragères dérobées. L’objectif est d’évaluer l’intérêt de l’utilisation de légumineuses en mélange avec une graminée, ray-grass italien (RGI) ou céréale, par rapport au traditionnel RGI cultivé seul.
Ce qui est observé :
l’incidence sur le rendement et la valeur alimentaire,
la réduction la fertilisation azotée,
l’incidence sur le maïs suivant (rendement et azote absorbé).
Rendements et valeurs au rendez-vous
Les rendements mesurés sont en moyenne de 5 à 6 t MS/ha.
Il n’y a pas d'écart sensible entre les RGI seuls et les associations RGI + trèfle incarnat ou seigle + vesce velue. Les associations avec légumineuses permettent d'obtenir le même niveau de rendement que le RGI seul avec au minimum 20 à 30 unités d'azote de moins, voire plus de 50 unités dans les situations les plus favorables aux légumineuses (hivers doux, récoltes 2014 et 2015).
Par contre les mélanges à base de triticale, avoine, pois fourrager et vesce commune ont eu des rendements plus faibles (voir ci dessous). Ils sont moins adaptés si l'objectif est de semer ensuite un maïs au plus tard début mai.
Les teneurs en protéines (MAT) les plus élevées sont observées avec les mélanges à base de seigle et vesce. Le fourrage récolté a une part de légumineuses plus élevée et la vesce a une teneur en MAT plus élevée que celle du trèfle incarnat (tableau 1).
La teneur en MAT des associations RGI + trèfle a été faible en 2012 et 2013 (98 g/kg MS), voisine de celle des RGI. Cela peut s'expliquer par une faible proportion de trèfle à la récolte (moins de 20 %), peut-être en lien avec les conditions froides de l'hiver. Les proportions de trèfle, et donc les teneurs en MAT de l'association, ont été nettement plus élevées en 2014 et 2015, sauf sur un des sites.
Récolté à un stade pas trop avancé (maximum début épiaison, pour le seigle fourrager), ces fourrages ont une bonne valeur alimentaire. La présence de légumineuses améliore notablement leur valeur protéique, grâce à leur teneur en azote (MAT) élevée (tableau 1).
Le trèfle incarnat a une valeur protéique sensiblement plus faible que les vesces, mais une valeur énergétique plus élevée.
L’observation d’une parcelle a mis en évidence que la proportion de légumineuses devait être importante pour obtenir des résultats intéressants.
Au-delà du trèfle incarnat bien connu, les autres trèfles annuels comme le squarrosum, le micheli ou le flèche sont très intéressants par leur agressivité et leurs valeur alimentaire. Il semble que l’association d’espèces favorise la compétition et donc le développement de biomasse.
Par rapport au sol nu, l’incidence de la dérobée sur le rendement du maïs est faible si la fertilisation azotée est suffisante, avec peu d’écarts entre types de dérobée.
En l’absence de fertilisation azotée minérale, le rendement et la teneur en protéines du maïs après RGI sont pénalisés par rapport au maïs semé après sol nu l’hiver, d’où une quantité d’azote absorbé par le maïs inférieure de 20 kg N/ha en moyenne.
Après une association ray-grass ou seigle + légumineuses, la quantité d’azote absorbée par le maïs est en moyenne du même ordre que celle absorbée après un sol nu. Il n’y a donc pas lieu de modifier la dose d’azote prévisionnelle calculée par la méthode du bilan.
Sans récolte de dérobée, le maïs aurait souvent pu être semé plus tôt (20 avril), ce qui aurait permis d’utiliser des variétés un peu plus tardives tout en récoltant à la même date. La perte de rendement liée à l’utilisation de variétés plus précoces peut être estimée à 1 à 2 t MS/ha. Malgré cela, en sols profonds, ne craignant pas les sécheresses de printemps, la récolte d’une culture dérobée associant graminées et légumineuses permet de récolter 3 à 4 t MS en plus d'un fourrage assez riche en protéines.
Les dérobées fourragères sont donc une réelle opportunité pour intensifier les systèmes fourrager en permettant une augmentation des rendements massiques et protéique de surfaces.