Démarche de transition,
Agroécologie-HVE
Dernière mise à jour le 25 novembre 2024
La transition agroécologique des exploitations agricoles nécessite du temps et un accompagnement. Jean-Baptiste LOZIER, agriculteur installé dans l’Eure à Coudres, a commencé cette démarche vers la fin des années 90 en intégrant un groupe sans labour. Aujourd’hui, il continue à améliorer son système grâce notamment à la dynamique du groupe DEPHY de l’Eure. Retour sur son parcours.
Le premier pas vers la transition agroécologique a été fait à la fin des années 90 lorsqu’il a décidé de passer en ACS, Agriculture de Conservation des Sols. Jean-Bernard intègre à cette époque un groupe « non-labour ». Son objectif est de réduire ses charges opérationnelles et l’utilisation des produits phytos. Après quelques années de pratiques en ACS, il se rend compte que finalement, ses charges liés aux intrants ont augmenté, notamment à cause du glyphosate et des engrais chimiques de synthèse. Il rejoint ensuite un groupe intitulé « Agriculture intégrée » animé par Bertrand OMON, agronome des Chambres d’agriculture de Normandie basé dans l’Eure. En 2008, le groupe DEPHY de l’Eure voit le jour. C’est au sein de ce groupe que Jean-Bernard va poursuivre sa réflexion de réduction des produits phytosanitaires.
Un jour, Bertrand a demandé à chaque membre du groupe de concevoir un système de culture dont le but principal était de réduire les produits de synthèse tout en restant efficace. L’idée était de concevoir ce système en prenant en compte les objectifs de vie personnelle et en mettant de côté la performance économique. Un des membres du groupe, un agriculture passionné de parapente, a conçu son système « idéal » dans le but de se libérer du temps pour pratiquer son activité : 3 ans de luzerne et 1 an de blé. Ces systèmes auxquels les agriculteurs du groupe n’avaient pas du tout pensé se sont révélés intéressants pour d’autres raisons que des raisons économiques. Cette prise de conscience a été un moment fort dans la vie du groupe, rappelle Jean-Bernard.
Ensuite, le groupe a conçu, avec l’aide de Bertrand le schéma suivant :
Jean-Bernard a ensuite signé un CTE, Contrat Territorial d’Exploitatio. Ce contrat lui a permet de mettre en place des leviers pour réduire les phytos tout en étant rassuré car il avait une aide économique.
« Ça me permettait de pouvoir me lâcher, aller plus loin dans mes démarches ».
Tout d’abord, les membres du groupe DEPHY ont travaillé sur l’allongement et la diversification de leur rotation. Jean-Bernard a intégré des cultures de printemps telles que la féverole, le lin textile et le lin oléagineux. Il s’efforce d’alterner les cultures de printemps et d’hiver. L’introduction de cultures de printemps permet de casser le cycle des bioagresseurs (maladies, insectes, adventices). Aujourd’hui, la rotation-type de Jean-Bernard dure 11 ans.
Ensuite, ils ont activé le levier agronomique « décalage de la date de semis ». Le colza est semé trois semaines plus tôt, mi-août. En blé, le retard de la date de semis a été progressif. Ils ont d’abord semé fin octobre au lieu de début octobre. Aujourd’hui, Jean-Bernard sème son blé la première quinzaine de novembre et parfois même fin novembre.
Concernant les insecticides et les fongicides, depuis 5 ou 6 ans, Jean-Bernard arrive à s’en passer la majorité du temps. Il a mis en place des haies et des jachères pour favoriser la biodiversité et ainsi la régulation naturelle des ravageurs. Il enrobe ses semences de ferments de céréales et de macération d’ortie pour remplacer les traitements chimiques.
« On est complètement en décalage par rapport au reste du monde. Ça fait partie des choses difficile à accepter. Il faut être persuadé d’être dans le vrai. [Quand] je commence à semer mon blé, mes voisins ont [déjà] tous fini. »
Jean-Bernard fait appel à des prestataires pour passer la herse étrille, la houe et la bineuse sur ses cultures de printemps. Les passages mécanique à l’aveugle des blés de novembre sont rares à cause des conditions météo qui sont peu favorables. La féverole, culture qui supporte bien la herse étrille, est désherbée à 100% en mécanique. Le sorgho supporte bien le salissement. En revanche, le pois de printemps est fortement concurrencé par les adventices et ne supporte pas la herse. L’IFT herbicides est donc plus difficile à réduire sur cette culture, tout comme celui du lin. Avant le semis des cultures de printemps, Jean-Bernard a réintroduit le labour quasi-systématique.
Jean-Bernard mise sur les légumineuses pour réduire ses apports en azote de synthèse. Il cherche à valoriser au maximum l’azote capté par les légumineuses en plaçant derrière les légumineuses des cultures qui ont besoin d’azote en début de cycle. Par exemple, il place son colza derrière la lentille.
Tout d’abord, en plus de la pesée de ses couverts avec la méthode MERCI, Jean-Bernard réalise des reliquats d’azote en entrée et en sortie d’hiver sur respectivement 8 et 12 de ces parcelles.
Pour le blé, l’orge et le colza, le groupe pratique la fertilisation azotée dynamique grâce à la méthode APPI-N. Cette méthode se base sur la mesure de la chlorophylle, un très bon indicateur pour estimer le statut azoté de la plante. A l’aide d’un chlorophylmeter, ils vont venir pincer les feuilles de la plante. L’objectif est de suivre l’évolution des besoins azotés de la culture toutes les semaines afin d’apporter l’azote en fonction des besoins de la culture. Si la culture a besoin d’azote, un apport de 30-40 à 60 u sera fait. Le groupe constate qu’avec la méthode APPI-N, le premier apport réalisé au stade « début montaison – épi 1 cm » est retardé. Il est rarement fait avant mars-avril. D’après des thèses de l’INRAE, il est possible de conduire un blé carencé en azote en début de cycle.
Jean-Bernard LOZIER considère les couverts comme des cultures à part entière. Il est convaincu que l’investissement qu’il met dans l’achat de semences (environ 50 €/ha) se retrouve un jour ou l’autre.
Grâce aux couverts, il crée de la biodiversité et de la biomasse.
Ses couverts sont composés de phacélie, navet, nyger, beaucoup de trèfles, parfois du tournesol, et de la moutarde derrière le lin qui libère beaucoup d’azote. Il les détruit une semaine à 15 jours avant le semis. L’idée, c’est de ne pas avoir besoin de labourer et de faire du semis simplifié. La destruction des couverts est mécanique avant les cultures d’hiver. Avant les cultures de printemps, il roule juste après les gelées.
Bertrand OMON aide le groupe à avoir une approche système. Jean-Bernard ne regarde pas uniquement la marge culture par culture. Il s’intéresse à la marge globale de l’exploitation, la marge moyenne sur l’ensemble du système. Grâce à l’introduction de cultures de printemps, qui certes, ont une marge plus faible que les cultures d’hiver, on arrive à réduire les insecticides, les herbicides et les apports azotés avec les légumineuses.
L’objectif de rendement de Jean-Bernard est inférieur à la moyenne du secteur et correspond à sa moyenne olympique : 75 q en blé (moyenne du secteur : 80-85 q).