L’implantation de couverts végétaux est souvent une des premières adaptations engagées par les agriculteurs qui s’orientent vers l’agriculture de conservation.
Il ne s’agit pourtant pas d’une transition facile à maîtriser. Au-delà des aspects techniques d’implantation ou de destruction, le vaste choix d’espèces candidates demande à la plupart des agriculteurs de nombreux tests avant de trouver le ou les choix idéaux compte tenu de leurs conditions pédoclimatiques et de leur objectif agronomique et économique.
Mais l’enjeu est de taille, la maîtrise des couverts végétaux est un pilier majeur de l’agriculture de conservation des sols et constitue un levier très important pour contribuer à améliorer :
Il existe de nombreuses manières d’introduire des couverts dans les rotations : culture intermédiaire, associés, semi-permanents, permanents, dérobée ou en relais, avant cultures d’hiver ou d’été.
En interculture, on distingue généralement les couverts avec un objectif de production des couverts non récoltés.
Pourtant, à l'instar des couverts végétaux, l’implantation d’une double culture répond à deux objectifs de l’agriculture de conservation : couverture du sol et diversification.
Implantée à la place du couvert d’interculture, elle concerne des espèces dites « secondaire », moins productives que les cultures « de rente ».
Pour autant, en proposant de nouvelles espèces pour la diversification et en offrant une récolte supplémentaire, elles offrent des avantages agronomiques et économiques indéniables.
166 expériences ont été enquêtées en Normandie, Bretagne, Pays de la Loire et Occitanie. Elles ont mis en lumière les atouts et les faiblesses de la pratique du point de vue des agriculteurs.
Parmi ces 166 expériences, 25 concernaient des cas de double culture (culture en relais/dérobée) récoltées pour le grain ou le fourrage ou une valorisation énergétique.
En Occitanie et en Normandie les couverts en interculture longue sont majoritaires. En Bretagne et Pays de la Loire, les couvert d’interculture les plus courant sont réalisé en interculture courte.
Les espèces majoritairement citées dans les enquêtes cadre de couverts d’interculture sont la Phacélie, Féverole et Sorgho suivis de près par la moutarde, le tournesol, le colza, la vesce et l’avoine.
[+] Selon ces enquêtes, les agriculteurs reconnaissent l’importance de couvrir le sol pour le préserver. Ils indiquent utiliser majoritairement des d’espèces adaptées, faciles à implanter et dont ils sont en capacité, pour certain, de produire les semences.
Parmi les avantages agronomiques des couverts végétaux, ils notent un réel effet précédent et notamment un effet positif sur la fertilité.
Le gain de temps ressort également comme un point positif des couverts végétaux.
[-] L’implantation de couverts végétaux en interculture complique néanmoins la gestion des adventices et peut entraîner des problématiques de repousses lorsque la destruction n’est pas maîtrisée.
Elle semble impacter la rentabilité avec un besoin en matériel supplémentaire et surtout la nécessité d’anticiper notamment l’approvisionnement en semence.
Les agriculteurs enquêtés notent également une pratique aux résultats très aléatoires, dépendante du climat et qui peut nécessiter une irrigation dans certaines régions.
Lorsque l’on évoque les couverts d’interculture, on peut parler de :
Les couverts sont souvent nommés en fonction des bénéfices que l’on attend d’eux. Il s’agit dans tous les cas de couvert implanté pendant l’interculture estivale (interculture courte) ou l’interculture hivernale (interculture longue).
Les CI peuvent être (i) restituées au sol, on parle alors d’engrais vert, de CIMS, de CIPAN, …ou (ii) récoltés, on parle alors de doubles culture, de dérobée grain ou fourrage, de CIVE, de culture en relais…
Bien conduit, un couvert peut apporter de nombreux bénéfices agro-environnementaux.
Cependant, la réussite d’un couvert n’est pas si simple. Ils peuvent être coûteux au regard des résultats et entraîner des effets dépressifs sur la culture suivante si la destruction n’intervient pas au bon moment (assèchement du sol, prélèvement d’azote, pression en limace, repousses…).
La réussite du couvert passe par plusieurs étapes, de l’implantation à la destruction, mais elle débute avant tout par des choix judicieux d’espèces.
Les possibilités dans le choix d'espèces ou de la combinaison d’espèces à implanter pendant l’inter-culture sont infinies.
De nombreux facteurs entrent en compte, le couvert (mono spécifique ou mélange) doit être adapté à la parcelle, au climat, à la rotation, aux objectifs de l’agriculteur (Piège à nitrates, fertilité, valeur ajoutée…) et au système d’exploitation.
C’est pourquoi, de nombreuses références ont été produites en chambre d’agriculture pour accompagner ce choix localement.
Le choix de l’espèce est crucial. Pour diversifier sa rotation mais également pour s’approprier des cultures « mineures » appartenant à des marchés de niches et donc une plus-value très intéressante. Bien sûr toutes les espèces ne seront pas utilisables pour ce type de semis; elles doivent pouvoir compléter leur cycle à temps.
Au-delà de l’espèce, le choix de la variété est également capital. Pour les dérobées, notamment estivales, le premier critère de choix de la variété est la précocité : semer des variétés classées très précoces (TP) ou précoces (P), à charnière "précoces-très précoces" par les semenciers (cas du Tournesol - Terre Inovia). Il faut également prendre en compte le décalage du cycle, et donc les risques de maladies.
A l’inverse, pour la culture en relais on opterait plutôt pour des variétés tardives (Cas du Soja - projet IPHARD)
Les doubles cultures semés à l’automne bénéficient d’une période de croissance plus longue et concerne le plus souvent des cultures fourragère (récolté ou paturé) ou de CIVE.
Le choix de la culture portera donc plutôt sur des espèces à forte production de biomasse.
Il n’existe pas de recette pour réussir à coup sûr son couvert végétal.
En agriculture de conservation, on a tout intérêt à ce que le couvert soit le plus réussi possible, il est donc conseillé de le semer à forte densité.
Les périodes de semis peuvent être différentes suivant les conditions climatiques, les types de sol, le couvert choisi et le précédent.
La période idéale se situe au plus proche de la récolte de la culture en place. Juste avant, pendant ou juste après la récolte d’une céréale par exemple.
La méthode d’implantation des couverts végétaux est principalement liée à cette période de semis.
Il en existe quatre grands types :
La culture dérobée estivale, notamment pour la valorisation des graines, répond à quelques contraintes qui peuvent être évitées par une bonne maîtrise de la pratique.
Il est recommandé :
De semer le plus tôt possible et uniquement après un précédent précoce (récolté tôt).
De respecter un cumul de température minimum pour arriver à maturité. Un semis valorisé en fourrage pourra se permettre plus de largesses sur cet aspect-là.
Attention toutefois, l’irrigation peut être nécessaire voire indispensable à la réussite de la pratique dans le Sud de la France.
Récolter tôt dans le cas d’une valorisation graine. Les conditions favorables à la récolte sont difficiles à obtenir à l’automne, il est donc préférable de récolter sur un sol ressuyé et de s’équiper de matériel de séchage.
La culture en relais évite un certain nombre de ces contraintes en permettant de réaliser un cycle non décalé.
Néanmoins, la pratique demande un certain degré de technicité. Le matériel doit être adapté, il faut également réfléchir aux densités de semis, à l’écartement des rangs, au choix des variétés des deux cultures, à la hauteur de la moisson.
Les doubles cultures semés à l’automne bénéficient d’une période de croissance plus longue et humide. Elles assurent une meilleure stabilité de rendement.
Si la pratique des couverts végétaux en agriculture de conservation diffère peu jusqu’ici de la pratique courante, la destruction revêt quelques spécificités. En effte, les couverts seront détruits sans recours au labour, voire sans travail du sol.
Il est possible de semer sa culture de rente dans un couvert vivant et maîtrisé [Cf. page couvert permanent], mais la pratique la plus répandue reste le semis direct dans un couvert mort (mulch).
La destruction du couvert y est donc une étape essentielle pour ne pas pénaliser la culture suivante. Plusieurs pratiques permettent de dévitaliser mécaniquement les couverts sans travailler le sol :
(i) Le broyage, efficace sur les espèces ne repoussant pas, sera limité sur des couverts de graminées ou certaines adventices rampantes. Il s’agit d’une étape indispensable pour une destruction mécanique.
(ii) Le roulage est efficace sur les couverts à port érigé, moins sur les couverts peu lignifiés (ie. Vesce) et plus efficace sur une culture gelée.
(iii) Les rouleaux de type Faca sont adaptés à certaines espèces hautes ou à des stades où la tige est fragile.
(iv) Le recours à des espèces gélives peut également se révéler être une solution efficace dans certaines régions.
(v) Le recours au glyphosate (ou autres solutions chimiques alternatives) reste souvent incontournable en l’absence de travail du sol. Il faut néanmoins faire attention à la réglementation [cf page Désherbage].
La destruction mécanique peut aussi faire intervenir un travail du sol, sans pour autant avoir recours au labour. On utilise alors un outil de déchaumage, ce qui permet de détruire un couvert tout en préparant le lit de semences de la culture suivante.
Les outils de ce type sont nombreux : scalpeurs, chisel, déchaumeur à disques indépendants, ou encore des combinés disques/dents, outils rotatif, fraise…
Selon les outils et les réglages, les profondeurs de travail varient de 5 à 25 cm et peuvent nécessiter plusieurs passages (en combinant ou pas les outils).
La maîtrise des adventices est rarement perçue comme un avantage des couverts végétaux chez les agriculteurs enquêtés.
Il s’agit pourtant d'un levier important, notamment en l’absence de travail du sol.
Si cet avantage ne fait pas consensus, c’est probablement parce qu’il est difficile à obtenir.
Les couverts végétaux sont la base de l’ACs. Mais il faut bien choisir son couvert. Un couvert multi espèce (4-5) est le plus intéressant. On a plus de chance qu’il fonctionne car si une ou deux espèces ne lèvent pas, on a quand même un couvert. De plus, chaque espèce a une caractéristique particulière. Pour terminer, les légumineuses sont indispensables dans un couvert : c’est de l’azote gratuite et on réduit sa consommation d’engrais !
Vincent Brulé, en AC depuis 19 ans
Éleveur bovin lait, après des déconvenues sur le développement des méteils protéagineux s’est orienté vers la valorisation des intercultures via la méthanisation pour assurer un apport de fertilisant (digestat) sur les surfaces en herbe et assurer l’alimentation du troupeau.
Thématiques : Couverts, Strip-till
Éleveur, il modifie progressivement l'enchaînement méteil-maïs en cultivant davantage de luzerne qu’il peut ensuite sursemer avec des méteils ou une céréale. Ainsi il peut cultiver des couverts avant maïs pour les restituer au sol.
Thématiques : Couverts, Semis direct
Contrôle trafic - Economie charges de mécanisation - Strip-till
Éleveur de porc, il intègre les couverts végétaux dans sa rotation pour leur effet sur le salissement et l’érosion. Il ne constate pas de perte de rendement en choisissant des couverts adaptés à ses pratiques (maïs en strip-till).
Thématiques : Couverts, Semis direct/Strip-till
Colza associé couvert permanent
Après un passage trop brutal vers le non-travail du sol, certains échecs l'obligent à repenser le système. Les couverts de mieux en mieux réussis permettent d’aborder plus sereinement la réduction du travail du sol.
Thématiques : Couverts, Colza associé, Travail superficiel ?
Du couvert annuel multi-espèces au couvert permanent, ce céréalier expérimente l’utilisation de couvert permanent tout en apprenant à gérer ses couverts pour éviter la compétition avec les cultures de ventes.
Thématiques : Couverts, Colza associé, Semis direct
Éleveur bovin lait, le départ des 3 associés a obligé cet agriculteur à repenser son système pour diminuer le temps de travail. Passant par les TCS avant d’arriver au semis-direct/strip-till, l’introduction de couverts est pour lui le prérequis indispensable pour aborder sereinement la réduction du travail du sol.
Thématiques : Couverts, Semis direct/Strip-till
Céréalier, il a souhaité simplifier le travail du sol suite à son installation pour diminuer l’érosion et faire revivre son sol. Sans couverts, le système ne fonctionnait pas autant qu’il l’espérait. Grâce à des adaptations simples du matériel, il est en mesure de couvrir tous les sols en interculture longue pour implanter sereinement les cultures de printemps avec un travail du sol superficiel.
Thématiques : Couverts, Travail superficie
Les couverts végétaux d’interculture sont un levier incontournable en agriculture de conservation. Ils permettent de maintenir voir d’améliorer la porosité du sol, de recycler les éléments fertilisants et de maintenir les parcelles propres.
Leur réussite est primordiale pour le succès des cultures suivantes. Un bon couvert est une assurance pour la culture qui suit. En effet, un couvert chétif et hétérogène ne permettra pas de se passer d’un certain nombre d’interventions. Hors c’est bien l’objectif de l’agriculture de conservation que de réduire au minimum voir de supprimer le travail du sol.
Au-delà du choix du couvert végétal, qui sera composé de une à trois espèces, la date de semis est un paramètre important. Plus celle-ci sera précoce, plus le couvert profitera d’une offre climatique importante. Cela lui permettra d’avoir une pousse dynamique et d'entrer plus facilement en compétition avec les adventices qui lèvent en même temps que lui.
Si la parcelle est déjà sale à l’implantation du couvert, celui-ci ne sera pas à même de contrôler l’enherbement. Il est nécessaire d’intervenir au préalable. Le travail du sol superficiel permet de gérer cette difficulté et il sera plus simple de ne pas ré-intervenir au printemps.
Le choix du semoir est également un élément important. Sur un sol qui n’a pas été travaillé, les semoirs à disque n’apportent pas de résultats aussi satisfaisants que les semoirs à dents.
Nous constatons des levées plus lentes et plus hétérogènes avec les semoirs à disques. Notamment en période de transition là où la terre n’a pas encore une structure grumeleuse. En cas de conditions sèches post-semis, un roulage peut permettre une meilleure levée à condition que les graines aient été semées correctement dans de la terre fine.
Témoignage du conseiller Bretagne
Pierre-Yves Roussel
Pour démarrer, les couverts végétaux d’hiver sont les plus simples à réussir. Ils sont à semer si possible bien avant les céréales d’hiver, sur sols bien ressuyés et après d’éventuels travaux du sol profonds si nécessaire.
Semée à 200 kg/ha, la féverole est l’espèce la plus facile à réussir. Ajouter éventuellement 2 à 3 kg/ha de phacélie pour une couverture plus homogène. Ce type de couvert sera facilement détruit et rapidement décomposé en sortie d’hiver lors de la réparation des sols.
Dans un premier temps, prévoir la destruction environ 6 semaines avant le semis de la culture, pour un bon réchauffement des sols et pour ne pas être gêné au semis par les résidus.
Après une culture d’hiver, les plus ambitieux tenteront un couvert estival avant la féverole. Un sorgho Piper semé à 25 kg/ha dans les 24 h suivant la récolte est l’option la plus sûre.
Quand vos couverts auront poussé, estimez la biomasse et découvrez N, P, K et carbone qu’ils ont stocké grâce à la METHODE MERCI.
Témoignage du conseiller Occitanie
Yves Ferrier
La réussite des couverts végétaux dans un secteur séchant est un réel défit. L’implantation en semis direct au plus proche de la moissonneuse en procure pas toujours satisfaction. En effet, la remontée d’eau par capillarité n’est pas toujours suffisante pour assurer une bonne germination et une bonne levée du couvert.
Lorsque la réserve hydrique est vide, l’important est de mettre toutes les chances de son côté pour réussir à couvrir rapidement le sol :
Témoignage du conseiller Normandie
Baptiste ROBIN
La pratique de cultures en dérobées (type hiver avant une culture d’été ou type été après une culture d’automne) n’est pas nouvelle dans notre région. Cependant, elle tend à se développer notamment pour les éleveurs qui peuvent ainsi mobiliser une ressource fourragère supplémentaire (récolte en vert).
La pratique des cultures dérobées à destination de la méthanisation permet également le développement de la technique.
La récolte des dérobées en graines (principalement : sarrasin, variété précoce de tournesol, soja, sorgho) est compatible avec certaines zones pédoclimatiques (récolte précoces de pois, colza, orge, blé, ail.... pour viser une implantation limite début juillet) de notre région et sous réserve de respecter quelques prérequis.
Avoir anticipé leur implantation (charge de travail, logistique, intrants). En l’absence d’irrigation la levée sera incertaine sauf été pluvieux ou si l’humidité est déjà présente au moment de la récolte et que la culture est semé directement après celle-ci.
Choisir des variétés permettant d’assurer une récolte avant la mi-novembre, de manière à ne pas trop pénaliser l’implantation de la culture suivante et anticiper sa place dans la rotation.
Il faudra également être vigilant quant à la gestion des résidus (qualité d’implantation) et repousses du précédent.
Enfin, l’implantation de ces cultures dérobées doit être raisonnée en fonction des parcelles afin de ne pas entrer en concurrence avec les autres opérations culturales indispensables : restructuration en conditions sèches, gestion des adventices et vivaces en interculture, amendements…
Témoignage du conseiller Occitanie
Anthony Page