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Ajuster la rotation dans son Système de culture

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Adventices chardon sur blé

Après plus de 10 ans de travaux, le groupe DEPHY de l’Eure partage une méthode permettant d'ajuster les rotations dans des systèmes de culture afin de mieux maîtriser les adventices.

L’objectif est d’anticiper « l’année de trop1 », tout en réduisant la présence d’herbicides laissés dans le sol. Cette décision est l'une des plus importantes à prendre au sein d’une stratégie de gestion des adventices diminuer la dépendance aux herbicides.

Etape 1 : Qualifier le niveau de pression d’adventives dans la parcelle en 2023 et avant

À partir de vos observations de l’état de la parcelle avant récolte 2023 (à partir de juin et encore aujourd’hui), et en se remémorant également de son état avant les récoltes 2021 et 2022 (voir sur une période de 4 ans dans l’idéal), nous utilisons au sein du groupe DEPHY et dans un certain nombre de groupe en France, une grille de notation synthétique de la parcelle. Elle est simple et facile d’usage (cf. figure 2 plus bas). Elle permet par une observation annuelle de qualifier l’état de la parcelle sur un temps pluriannuel.

Garder un historique de vos notations annuelles est important. Cela permet de retracer l'évolution des pressions annuelles d’adventices au fil du temps. Sur le long terme, cette évolution représente alors l’effet du système de culture sur l’évolution de la flore adventice.

Le système de culture est considéré comme « l’ensemble de tout ce qui est décidé et mis en œuvre sur une parcelle, ou un ensemble de parcelles, vivant la même histoire » à l’échelle de chaque itinéraire annuel puis à l’échelle pluriannuel avec la suite des successions qui devient la rotation si cela est cyclique.

Plus le stock de graines adventices atteint un niveau élevé au fil des années, plus l’impact de l’année de trop1 se fera ressentir, et cela durant deux ans après avoir initié une stratégie de réduction du stock semencier. Une telle situation compromettrait la possibilité de cultiver de nouvelles cultures, telles que le blé par exemple.

1 « L’année de trop » correspond à la période critique où le stock de graines d’adventices atteint un niveau élevé. A ce stade il est impératif de rendre des mesures afin de prévenir les conséquences néfastes sur la culture.

Figure 1 : Schéma expliquant les facteurs qui influencent la présence des adventices dans les parcelles

Le résultat de satisfaction annuelle, une clé de décision

Pour décider de la poursuite, ou non, du Système de Culture actuel, il est crucial de faire ce choix avant la moisson ou même dès à présent, en se remémorant vos expériences passées.
Le résultat annuel dépend du niveau de pression initiale dans la culture, lui-même lié à la réserve de graines (un facteur à long terme) qui se manifeste à travers des conditions de germination favorables (cf. figure 1).

Ensuite, la compétition se joue entre la culture et les adventices. Cette compétition peut être orientée par les méthodes de lutte, qu’elles soient chimiques ou mécaniques.

L’action agricole peut agir :

  • sur les stocks (rotation des cultures et travail sol),
  • sur l’expression annuelle de ce stock au moment du semis notamment (travail sol, faux semis, dates semis),

Ces 2 types d’actions entraînent une répercussion sur la pression initiale de l'année.

L’action agricole façonne la compétition, tant par les luttes que par des pratiques ayant un effet d’atténuation de la concurrence des adventices (densité, type d’espèces et de mélanges, choix variétal, fertilisation azotée.)

Enfin, les conditions météorologiques annuelles jouent leur propre rôle en favorisant, ou non, les levées d’adventices avant et pendant l’implantation des cultures.
Elles peuvent permettre ou empêcher les levées d’adventices même si la date de semis choisie initialement semble défavorable à la levée du Ray Gras (par exemple induisant une montaison rapide ou pas).

 

NOTATION DU NIVEAU DE PRESENCE D’ADVENTICE AVANT RECOLTE

(OU AUTOMNE SUR COLZA ET COUVERT)

NIVEAU DE PRESENCE Ray GRASS -Bilan Avant Récolte (ou automne dans les colzas et couverts) - Utiliser la note 2,5 si besoin

0 Présence très faible au-dessus de la culture

(Ou dans colzas et couverts)

1 Présence régulière, diffuse, au-dessus de la culture mais avec une biomasse faible.

(Ou dans colza et couverts) 

2  Compétition, avec forte biomasse > culture sur 1 ou des zone(s) 

On voit plus le RG que le Blé (ou autres cultures) dans ces zones

(Ronds ou zones forte densité dans colza et couverts)

3 Compétition en voie de généralisation, avec forte biomasse

On voit à peine le Blé (autres cultures) vu de l’extérieur du champ

(En surface couverte sur colza et couvert)

 

Figure 2 : Partager des diagnostics de parcelle avec une grille ajustée et testée avec des agriculteurs en 2022 et 2023.

Etape 2 : faut-il ajuster la suite de la rotation ?

A partir de la liste des parcelles de l’étape 1 et de ce qui a été expliqué précédemment, il s’agit ensuite de décider du besoin d’ajuster ou non les successions prévues. Pour chaque parcelle notée en étape 1, il est nécessaire de vérifier si la suite « habituelle » envisagée est possible, ou s’il est nécessaire de l’ajuster en fonction du stock estimé à partir des notes de salissement sur une (ou plusieurs années si possible).

Pourquoi s'étendre sur plusieurs années ? Parce que même une culture « propre » en 2023, caractérisée notamment par une forte efficacité de lutte herbicide, peut induire en erreur. La réussite d'une année ne signifie pas qu’un stock de graines élevé ait été fortement réduit. Or c’est bien ce stock pluriannuel qui constitue le point de départ de la pression des adventices pour la culture suivante, et non simplement la seule satisfaction de l’année en cours.

Prenons l’exemple d’un cas emblématique comme un colza « propre » en 2023, mais avec des antécédents en 2021 et 2022 présentant des notes d'infestation comprises entre 2 et 3 ; la pression qui pourrait se manifester alors dans un potentiel blé « Récolte 2024 » ne peut être que conséquente, voire très forte !  

En effet l’année 2023 aura juste neutralisé le stock de graines, mais le délai entre la récolte de la céréale hivernale présentant une « sale-note > 2 » et le retour d’un blé après juste 14 à 15 mois ne permet pas une réduction suffisante du stock initial avant le colza.
Cette réduction du potentiel de germination des graines de graminées s’obtient sur plusieurs années, nécessitant un pas de temps plus important que les 15 mois habituels.

Le groupe DEHY de l’Eure précise que « le colza ne se présente pas toujours comme le meilleur allié de la gestion des adventices ! Cependant un colza inséré dans un Système de Culture repensé, et avec des parcelles d’un niveau de salissement de 1-1,5   peut être géré avec un IFT Herbicides de 1 ». (Référence groupe DEPHY 27 depuis 10 ans)


Etape 3 : Une modification de la rotation s’échelonne dans le temps

Dans les cas où la modification de la rotation est nécessaire, il faut envisager cette modification sur les 2 ans suivant une perte de maitrise des adventices (note de 2,5 et 3).

Cette étape se fait dans la continuité de l’étape 2, cela peut déjà s’envisager pour les 2 années suivantes. Même s’il sera impératif d'élaborer un jour une stratégie à l’échelle de la rotation au sein du système de culture. Cette rotation devra s'étendre sur au moins quatre années, en fonction du niveau de rupture nécessaire.
L'objectif est de jouer sur le stock de graines avant la prochaine rencontre entre la culture la plus à risque et l’adventice problématique. Par exemple, après une période de production intense de graines, il serait judicieux d'éviter la culture du blé pour le Ray Grass pendant au moins deux campagnes. Le choix des espèces, par la période de leur semis, puis leur compétition spontanée sur les adventices est en jeu. « Ainsi les rotations incluant un BLE tous les 2 ans, ou trop de MAÏS deviennent vite un handicap … » précise l’un des agriculteurs du groupe.

Au-delà du choix des successions de culture à venir : réduire la compétition annuelle

Pour atténuer les effets des adventices, il est important de limiter leurs effets au-delà de les supprimer. C’est le rapport entre la biomasse adventice et la biomasse cultivée qui est étroitement lié aux rendements et à la production de graines, et pas seulement leur nombre.
Une fonction clé(levier) est de limiter la compétition entre vos cultures et les adventices à l’échelle annuelle cette fois. Cela peut impliquer le choix variétal lorsque cela est possible. Plusieurs choix s’offrent à vous :

  • opter pour du maïs ou du blé avec port feuille retombant (plutôt que dressé),
  • ajuster la date de semis pour éviter une partie des levées,
  • ou encore piloter la fertilisation azotée pour atténuer la compétition de l’adventice sur la culture.

Dans cette approche, la lutte chimique fait toujours partie de la gestion. Celle-ci devra être différente de celle de la culture la plus en difficulté, et efficace sur les adventices posant le plus de problème. Pour des notes régulièrement > 2,5 au cours des dernières années, il sera nécessaire de décider ainsi pendant deux années au moins.

Cette approche agronomique de l’ajustement des successions-rotations plutôt que celle d’un assolement « spéculatif » est-elle juste une option possible en 2023 ou bien une nécessité y compris économique ?

Le choix d’aller plus loin dans une impasse agronomique ne présente pas une option économique valide à moyen terme, même si cela peut sembler plus rentable à court terme sur 1 ou 2 ans.
Lorsque l'on aborde l'ajustement des successions-rotations plutôt qu'une conception d'assolement "spéculatif", on se confronte à une alternative qui mérite attention. Cette démarche se distingue fondamentalement de la construction traditionnelle de l'assolement, qui est depuis longtemps ancrée et appuyée par diverses sources. Cette opposition se justifie par la nature distincte des visées.
L’exercice de décision des suivants par parcelles a une visée agronomique, notamment sur la gestion des adventices à court et moyen terme, mais également sur les préoccupations relatives aux fuites de nitrates, aux émissions de gaz à effet de serre et d’autres enjeux.

Dans un contexte où l’efficacité des herbicides diminue et où la disponibilité et le renouvellement des molécules se réduisent, la convergence entre les objectifs de gestion du système sol à moyen et long terme et des objectifs territoriaux se renforce. Dans les 2 cas, l’accent est mis sur une dépendance réduite aux herbicides.
À l'issue de cet exercice, l'assolement apparaît finalement en dernier lieu.

Plus tôt la rotation est ajustée sur les parcelles, moins forte sera la perturbation de l’assolement dépendant d’un système de culture conçu en croisière.
Même si l’assolement sur 3 ans devient moins stable et peut connaître des fluctuations, c’est essentiellement sa diversité qui garantit la résilience. La conduite de la production végétale prenant en compte les processus biologiques et l’agronomie, suppose de travailler sur les trois temps : long -moyen et court.

La part du blé dans l'assolement suscite souvent des inquiétudes. Même si cette part tend à diminuer, cela doit inciter à réagir sans faire « l’année de trop » dans de trop nombreuses parcelles afin de moins perturber votre assolement.
L’économie de l’exploitation se joue depuis toujours, et encore plus sans doute avec les effets du changement climatique, sur le moyen et long terme.

L’agronomie et l’économie sont bien en réalité sur les mêmes temporalités. Assumer des ajustements de rotation à la parcelle est une forme d’investissement sur le moyen terme.

La probabilité de réussite économique à court terme pour des décisions « à risque », qui impliquent une charge assumée élevée et une efficacité herbicide également élevée, est de plus en plus faible. Cette probabilité est nulle à moyen terme.

Figure 3 : Tableau d’aide à la décision pour établir la liste des suivants par parcelle

Au-delà de cette décision clé d’ajustement entre 2 campagnes :
Il est nécessaire de remettre à plat le pluriannuel, c’est à dire l’ensemble du système de culture (rotation et itinéraires annuels) du point de vue de la gestion des adventices, et pour d’autres enjeux. Cette approche plus globale, aussi appelée « approche Système de culture » comporte de nombreux points et peut être abordée en collectif et /ou en individuel.

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► Pour aller plus loin, une version longue sur demande à bertrand.omon@remove-this.normandie.chambagri.fr