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Quelles valorisations possibles pour les veaux mâles laitiers en AB ? (1/2)

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Aujourd’hui 83 % des veaux mâles laitiers nés dans des élevages AB ne sont pas valorisés dans la filière biologique. Pourtant la demande massive de viande bovine biologique sous forme hachée (80 %) pourrait permettre de valoriser ces animaux dans la filière bio en réadaptant l’offre et la demande.

Une enquête en vue de créer un partenariat entre « naisseurs» et « engraisseurs »

Partant de ce constat, la Chambre d'agriculture de Normandie a débuté un travail de réflexion afin de voir si un partenariat pourrait être créé entre des éleveurs laitiers naisseurs et des éleveurs engraisseurs de bovins laitiers à l'herbe. Brève restitution de l’enquête menée en Seine-Maritime.

Profils des exploitations enquêtées

20 élevages de Seine-Maritime ont été enquêtés (135 ha de SAU en moyenne dont 67 % d’herbe) : 8 élevages laitiers naisseurs, 4 élevages laitiers avec engraissement, 5 élevages allaitants, 3 élevages engraisseurs. Tous étaient interrogés sur leur possibilité d’élever des veaux mâles laitiers en AB sur leur exploitation.

5 élevages interrogés valorisent déjà des veaux laitiers en filière AB 

Ils achètent leur lot de veaux laitiers en provenance d’un seul élevage pour éviter le mélange de microbisme et les risques sanitaires. Concernant la phase lactée, les 2 engraisseurs conventionnels distribuent de la poudre de lait et des concentrés. L’engraisseur en AB achète ses veaux sevrés.  

L’allaitant en AB dispose d’une douzaine de vaches laitières croisées qu’il conduit en nourrices. Elles sont mises à la reproduction chaque année avec un taureau limousin. Elles allaitent donc leur propre veau + 2 autres veaux laitiers achetés. Pour que les vaches ne privilégient pas leur propre veau, tous les veaux sont conduits ensemble. Ils pâturent séparément des vaches nourrices la journée et les rejoignent le soir et la nuit en bâtiment afin de téter.  

Le laitier en AB met également les veaux achetés sous des vaches nourrices (boiteuses, à cellules…). 

Post-sevrage, les 3 engraisseurs pratiquent le pâturage tournant avec une complémentation en concentrés achetés ou produits pour les 2 élevages conventionnels et pas de complémentation pour l’élevage en AB. En hiver, du foin et de l’enrubannage sont distribués avec une complémentation en concentrés. 

Perception du partenariat par le profil naisseur (12 éleveurs laitiers) 

Ils sont 72 % à vendre au moins une partie de leurs veaux mâles avant sevrage afin de saturer la surface fourragère par la production laitière. Tous seraient partants pour commercialiser leurs veaux auprès d’éleveurs « engraisseurs » en AB, dans un périmètre local (25 km) à départemental. 

50 % se disent prêts à élever leurs veaux laitiers jusqu’au sevrage (minimum 3 mois) en vue d’une vente post sevrage auprès d’un éleveur/engraisseur en AB à condition d’une garantie d’achat. Cela nécessiterait quelques investissements pour une surface d’accueil supplémentaire en bâtiment et/ou en extérieur. De plus, il faudrait tenir compte du temps de travail supplémentaire pour élever les veaux jusqu’au sevrage. 

50 % des éleveurs laitiers ne pourraient pas élever leurs veaux jusqu’au sevrage par manque de place en bâtiment, de temps ou par volonté de ne pas distribuer du lait commercialisable aux veaux. 

Perception du partenariat par le profil engraisseur (5 éleveurs allaitants) 

3 élevages sur 5 accepteraient d’élever des veaux mâles laitiers en AB dans leur élevage, en complément de leur troupeau allaitant actuel (un élevage le fait déjà). L’un deux valorise 100 % de ses bovins en vente directe et serait intéressé par la technique en vue de développer la vente directe de viande de veau à la ferme si le marché est porteur. Un autre élevage serait prêt à substituer son troupeau allaitant par l’engraissement à l’herbe de veaux laitiers sevrés. Etant double actif, il s’affranchirait ainsi des vêlages ; son autre activité ne lui permettant pas de se libérer facilement pour veiller à leur bon déroulement. Les races recherchées seraient des Normands purs, des races laitières croisées avec des races à viande précoce, voire des kiwis sur un élevage naisseur situé dans un périmètre de 35 km. 

3 éleveurs sur 5 pourraient acheter les veaux non sevrés et se charger de la phase lactée en achetant également une vache nourrice pour 2 à 3 veaux, selon le niveau de production, la race et le stade de lactation de la vache.  

2 éleveurs sur 5 achèteraient les veaux à condition qu’ils soient sevrés. Ils trouvent la phase lactée trop contraignante à gérer (adoption avec la vache nourrice, poudre de lait AB très chère, nécessité que les veaux soient à proximité du corps de ferme…). De plus, la gestion sanitaire des premiers mois doit être très rigoureuse. Le sevrage étant une période stressante pour les veaux, les éleveurs souhaiteraient acheter les veaux quelques jours voire semaines après le sevrage afin d’éviter d’engendrer un stress supplémentaire qui nuirait à la croissance des veaux sur cette période. 

Des convergences vers la contractualisation 

Globalement, les éleveurs laitiers et les éleveurs allaitants se rejoignent sur plusieurs points quant à la réflexion d’un éventuel partenariat d’élevage de veaux laitiers dans la filière bio (race, transport opéré par l’acheteur…). Un contrat serait nécessaire pour assurer une certaine sécurité entre le vendeur et l’acheteur.  

Le prix de vente du veau non sevré (21 jours) souhaité par les éleveurs laitiers serait de 160 € [120 à 210 €] et de 100 à 150 € par les éleveurs allaitants. Pour les veaux sevrés (4 à 4,5 mois), les laitiers souhaiteraient les vendre à 400 € [300 à 500 €] et les éleveurs allaitants les acheter à 375 € [350 à 400 €]. Pour étayer ces prix et qu’un bénéfice soit perçu pour chaque parti, un chiffrage technico-économique de différentes conduites est nécessaire.  

Zone de textePar ailleurs, un certain nombre de paramètres seraient à considérer dans le contrat selon les volontés du vendeur et de l’acheteur : la période, les effectifs de veaux vendus/achetés chaque année, l’écart d’âge au sein d’un lot, un poids minimum atteint ou une quantité minimale de lait/concentré distribué à l’achat/vente, la transition alimentaire (même fourrage et concentré ?), le délai minimum d’achat/vente après sevrage (si veau sevré), des précisions sur l’écornage et la castration (si fait ; par qui ? comment ?), des garanties sanitaires (indemnes maladies, prises de sang, vaccin : si fait ; par qui ?)… 

À ce stade, il n’y a que très peu de partenariats entre éleveurs naisseurs et engraisseurs recensés dans la filière bovine bio. Prochaine étape du projet : établir des références technico économiques à partir de différents modèles d’élevage afin de mesurer l’intérêt de développer une filière de valorisation des veaux mâles laitiers en AB et la pérenniser. 

 

Dans un prochain article, nous vous présenterons un exemple de partenariat déjà existant entre un éleveur laitier naisseur bio et un éleveur engraisseur de bovins laitiers bio à l’herbe. 

Camille LECUYER, conseillère AB, Chambre d’agriculture de Seine-Maritime